DERNIERES CHRONIQUES

         


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2 octobre 2022

Ce qui fait battre nos coeurs


Chers lecteurs, je reviens avec l’envie de vous parler d’une découverte intéressante. J’ai eu l’occasion de lire Ce qui fait battre nos cœurs, un livre en tête de gondole emprunté à la bibliothèque et que j’ai pris du temps à ouvrir. Il ne s’agit pas d’un coup de cœur, mais on doit lui reconnaître un sens du suspense qui le rend accrocheur, ainsi qu’une approche originale et maîtrisée de son sujet. 

L’intrigue se situe dans un monde vieux de quelques années de plus que le nôtre, dans lequel les techniques médicales se sont améliorées au point de permettre plus largement la greffe d’organes artificiels en remplacement d’organes originaux défectueux. Seulement, les modèles les plus perfectionnés sont aussi les plus onéreux et sont développés par une société en situation de monopole, Organic. A l’inverse, la Sécurité sociale donne accès à des organes artificiels de moindre qualité, souvent réutilisés et présentant des aléas de fonctionnement qui mettent en péril la vie des greffés.   

Au fil des pages, nous rencontrons quatre protagonistes aux histoires personnelles sans relation apparente entre elles. Maria est une jeune ingénieure brillante qui vit chez son oncle depuis l’accident de voiture qui l’a privée de ses parents et de sa main, Esteban prend soin de sa petite sœur dont le cœur défaillant a été remplacé par un modèle bas de gamme, Leïla est connue pour avoir bénéficié de multiples transplantations d’organes qui font d’elles la personne la plus modifiée du monde, et Noah est un jeune homme solitaire présenté comme séduisant mais très énigmatique. Rapidement, les quatre trames se mêlent : désespéré d’aider sa sœur dont le cœur faiblit de plus en plus rapidement, Esteban prend en otage Noah et Leïla. Tous trois sont rapidement rejoints par une jeune fille en fuite, Maria. 

Alors que la prise d’otages gagne en visibilité médiatique, Esteban fait connaître sa revendication : un cœur de qualité pour sa sœur en échange de la restitution de ses otages. Rapidement, la machine s’emballe. Les réseaux sociaux sont pris d’assaut par des soutiens inattendus à Esteban tandis les forces de l’ordre semblent dépassées par les évènements…

29 avril 2020

Chronique - Les pays


Coup de ♡


ENTREE EN MATIERE

Les pays est un livre sur les passages. D'abord, le passage de l'enfance à l'âge adulte expérimenté par la protagoniste principale de l'ouvrage, Claire. Ensuite, le passage du monde rural de son enfance à un monde citadin au coeur de la capitale où elle étudie les lettres classiques. Enfin, le passage du temps et les bouleversements qui l'accompagnent, un fil directeur pour ce livre en trois parties qui m'a tant touchée et dont j'aimerais vous parler.

22 avril 2020

Chronique - L'avenir t'appartient : lettre aux jeunes chercheurs de sens (Olivier Pons)


Coup de ♡

ENTREE EN MATIERE

Je ne sais pas vraiment comment démarrer cette chronique. Je pourrais commencer par vous raconter que ma marraine m'a offert ce livre un jour et que je l'ai rangé dans ma bibliothèque en me promettant de le lire bientôt. Ou bien vous parler de petite Camille, qui voulait absolument grandir et qui a découvert en le faisant que la vie d'adulte était une chose impressionnante.

L'entrée en matière importe peu, finalement, car ce qui s'ensuit est plus beau encore. Ce livre, je ne l'ai ressorti de mes armoires qu'il y a une semaine, soit plusieurs années après l'avoir reçu. Et il m'a bouleversée et redonné vigueur, au point de dissoudre certaines craintes pourtant solidement ancrées en moi depuis l'adolescence. En parler fait donc sens, car j'aimerais partager avec vous ce petit shoot de courage et d'espoir nécessaire à l'entrée dans la vie adulte, et qui ne saurait être de trop en ces temps douloureux.


16 novembre 2014

Le regard des princes à minuit - «Je vais te dire quelle est la plus grande vertu. C'est la vérité, oui, il faut la vérité avant toute chose. Quand un homme ment, c'est une part de notre monde qu'il assassine».




Être un véritable chevalier, aujourd'hui, est-ce encore possible?
À travers sept épreuves initiatiques, des jeunes se lancent dans l'aventure : une expédition nocturne dans la forêt de Brocéliande, l'escalade de la façade de Notre-Dame en cordée, l'intensité d'un combat à mains nues, la découverte d'une danse oubliée avec une cavalière sensuelle... 
Autant de façons de vibrer, de prendre position dans la société, de dire NON.


Certains livres donnent envie de se lever et d'agir. De prendre sa place dans la société. De reprendre sa vie en main. De se donner des objectifs et de les atteindre. Ils redonnent de l'espoir et raniment le feu. Je parle ici en tant que jeune, qui dans quelques années va voter, faire des études supérieures, voyager ailleurs, rencontrer de nouvelles personnes, découvrir le monde du travail, se marier, fonder une famille, s'engager localement ou à l'étranger, devenir vieille. J'essaye au maximum d'éviter les clichés, mais comme je ne sais pas de quoi sera faite ma vie, je considère tout. Comme tous les jeunes. Ce qui ne veut pas dire que l'enfance et la jeunesse sont des périodes vides, creuses, dans l'attente de notre vie. 
Cette jeunesse est un âge magnifique, où l'on pense, où l'on se construit, où l'on découvre, où l'on vit. On peut être découragé parfois, avec l'impression d'être écrasé par un monde trop lourd, trop violent, trop fermé. Effrayé devant les multiples choix qui s'offrent à nous, ou encore impuissants face aux conflits et aux injustices. Et sans se projeter dans quelques années, on peut aussi, au quotidien, se demander ce qu'on fait là. Pourquoi sommes-nous si seuls au milieu des autres. On refait le monde, on écrit nos pensées, on vit avec intensité. On attend d'être adulte, avec impatience parfois. On regarde en arrière, avec un peu de nostalgie, cette enfance heureuse que l'on regrette peut-être. Mais on savoure notre âge aussi. Les premiers émois, les premières fois. La fougue. Les envolées. On est jeune, tout simplement. Encore une fois, l'âge adulte peut aussi avoir ces envolées et cette fougue ! L'âge en années n'a rien à voir avec l'âge de l'esprit. 
La jeunesse est une époque magnifique. Vraiment. Avec "Le regard des princes à minuit", Erik L'Homme écrit cette jeunesse pleine de rêves, d'espoirs, d'attentes, de vigueur, de passion. La vie devant nous. 

Le livre est court, 144 pages, mais c'est une petite merveille. Sept histoires, sept existences entremêlées que l'on met en parallèle avec le conte moyenâgeux de la Quête des Sept Bacheliers, pleine de belles valeurs et de nobles actions. Vous la connaissez, cette expression "on n'est plus au Moyen-Âge !" que vous avez peut-être prononcée un jour comme je l'ai fait aussi. Je ne veux pas revenir à cette époque, mais il faut reconnaître qu'elle n'était pas seulement remplie de rustres et de brutes comme elle nous l'est parfois présentée. Le Moyen-Âge et notamment la chevalerie prônaient un grand nombre de belles valeurs que l'on retrouvaient dans l'art et la littérature avec le fin'amor (ou amour courtois). Et bien qu'elles n'aient pas toujours été respectées, ces vertus chevaleresques étaient belles, louables. Et elles sont le point de départ de ce livre. Erik L'Homme reprend donc le conte des "Sept Bacheliers et l'épreuve périlleuse" qui aurait été écrit par Cosme d'Aleyrac en 1190 mais dont je n'ai pu retrouver la trace. 

En route...

La première histoire se vit au rythme d'une mazurka, cette danse langoureuse venue de Pologne. C'est une parenthèse au charme désuet, un petit éclat de rêve. L'union respectueuse de deux corps qui s'abandonnent par la danse. Un-deux-trois un-deux-trois un-deux-saute un-deux-trois. On retrouve une beauté qui n'a pas été souillée par la saleté d'arrière-pensées. Mais ce n'est pas une pureté immobile et poussiéreuse. Non, Erik L'Homme rend la scène surréaliste… vivante. Drôle. Elle tire un sourire et inspire le respect. Elle nous arrache au quotidien et nous emmène ailleurs, sur un parking désert, au son d'un accordéon. Erik L'Homme joue avec Arnaud, son premier personnage, un peu perdu et très touchant. Poésie d'une danse et d'un instant et de paroles. Faustine, dans sa robe rouge, danse, rit, guide. Ils échangent. Amour délicat, fugace, naissant. L'instant juste avant lequel le crayon se pose sur la feuille pour écrire ou dessiner… et l'instant où il touche le papier et esquisse des traits. La scène a une beauté d'un autre temps. Et une première valeur est énoncée : "Honore et aime toutes les femmes.

"La chanteuse lança un dernier couplet : "Quand les corps s'enlacent, instants de grâces, moments fugaces…" " (P. 28)

La deuxième histoire nous entraîne au coeur de la forêt de Brocéliande. Un feu, la canopée, les bruits de la nuit et deux amis qui devisent avec espérance… La scoute que je suis connaît le froid, la fumée du feu qui imprègne les tissus, les doigts engourdis, les brindilles, les braises rougeoyantes, la nuit dans hôtel aux centaines de milliards d'étoiles… Je crois que c'est cette scène qui m'a le plus marqué. Deux amis qui parlent de leurs vies. Qui comprennent qu'il manque quelque chose à leur quotidien. La page 43 est l'une des plus fortes qu'il m'ait été données de lire et si je ne la retranscrit pas, c'est pour que vous puissiez la lire, vous-même, avec ce livre dans les mains… La forêt bruisse doucement autour d'eux, et quelle forêt que cette Brocéliande enchanteresse où réside l'essence des mythes celtes ! La nuit est propre aux confidences. Les amis livrent leurs âmes avec confiance et abandon. La vie est devant eux, pleine de promesses et de choix à faire. Chuchotements. Silences. Paroles. Réflexion sur la tolérance, mais pas ces discours creux et interminables. Les jeunes hommes se revigorent auprès du feu mais aussi en parlant vraiment. Vie. Et Vladimir énonce la deuxième valeur : "Médite sur toi et sur qui tu es." On se cherche, on se questionne, on se remet en cause. On se forge, on s'imprègne, on s'inspire. On se devient. 

"On a quitté la Vallée-des-Portes, dit Vladimir à voix basse pour ne plus déranger la nuit." (P. 40)

La troisième histoire m'a touchée différemment des premières. Elle a quelque chose de rocambolesque, qui rompt un peu avec la poésie des deux premières scènes. Ou qui du moins, diffère de la délicatesse de ces deux premiers chapitres sans âge. Mais c'est aussi l'une des plus philosophiques et même des plus complexes ; Hervé et Patrick vont dégrader une antenne relais afin de couper les habitants de la télévision : ainsi, ils passeront une soirée sans écrans, en retrouvant la chaleur d'une discussion ou le velouté des pages d'un livres… Et cet acte pose la question de l'obéissance à la loi, de la rébellion, de la relativité des mots sur lesquels il est si facile de jouer. Mais surtout, elle parle de la différence entre vérité/mensonge et vrai/faux, de l'influence de la télévision sur nous, qui devons apprendre à garder un oeil critique et avisé. Erik L'Homme nous invite à créer notre propre imaginaire, qui soit nourri et inspiré par des sources variées. Loin de nous ce mensonge, cette déformation de la réalité qu'offre la télévision. On retrouve indirectement cette question que l'on se pose quand l'adaptation d'un livre qu'on n'a pas lu sort au cinéma : doit-on lire d'abord le livre ? Doit-on d'abord voir le film ? En ce qui me concerne, je commence par lire le livre, pour me faire ma propre idée des personnages, de l'histoire et des scènes. Pour ne pas découvrir quelque chose avec un filtre, celui des choix scéniques du réalisateur par exemple. Alors bien sûr, on ne découvre presque jamais les choses sans a-priori : le simple fait de lire cette chronique vous donne une opinion sur ce livre dont je vous parle et que vous n'avez pas encore lu. D'ailleurs, libre à vous de vous arrêter de lire cet avis. Vraiment ! Et en extrapolant, on retrouve un thème abordé dans l'histoire. La liberté ! Où commence-t-elle ? Ou s'arrête-t-elle ? En parlant de liberté, on peut parler des engagements, des choix qui lient, de l'influence que l'on reçoit. Je n'en écrirai pas plus mais c'est intéressant à méditer. Une belle surprise de ce chapitre, c'est la description d'Internet faite par Patrick : "ce joyeux bordel débordant de vie, ce grand n'importe quoi dans lequel la vérité trouve encore de l'espace pour s'ébattre." Et la réaction d'Hervé, qui appartient selon moi à un passage clef : "Je ne m'attendais pas à ce que tu défendes Internet (…) Je m'attendais plutôt à une apologie des livres." Ce à quoi Patrick répond "L'un n'empêche pas l'autre. Mais tu as raison, les livres aussi constituent un antidote aux sortilèges de la télévision." (P. 65) Ce dialogue dans lequel s'affrontent et se croisent les opinions opposées des deux amis, ressemble à une dissertation. Et elle est vraiment intéressante. Et nous découvrons notre troisième valeur : "Sois bon avec les faibles et fier avec les puissants.

"La personne, c'est l'individu sorti du troupeau, qui pense et agit par lui-même." (P. 66)

L'histoire suivante sent la sueur et les tatamis. Des combats, de la fight, où se côtoient les instincts intrinsèques et la surveillance d'un arbitre attentif. Cette histoire m'a rappelée le tableau de Magritte, La Trahison des images, d'ailleurs évoqué dans l'histoire précédente. Un lien s'esquisse entre ces sept scènes, mais nous en reparleront plus bas. Quel rapport entre "Ceci n'est pas une pipe" et des combats en sous-sol ? J'ai beau vous en parler, vous le décrire du mieux que je peux et Erik à plus forte raison, ce combat, il faut le vivre pour le saisir. Et tous les mots du monde ne vous donneront qu'une image du combat. Du corps-à-corps. "L'éternelle confrontation, le choc de la chair. Le retour au réel." (P. 83) Ce combat n'est pas du catch, simulé et surjoué. Peu de mots, ils suffiront j'espère à vous faire saisir la chose. Sueur. Coup. Défense. Instinct. Authenticité. Mise à nu. Echange. Personnes. Rencontres. Respect. Être. Le combat nous met face à nous et face à l'autre. Pas de fuite, à part la fuite en avant. Il révèle un désir d'authenticité, un retour à la source. Qu'il est fort cet Erik L'Homme, de réussir à nous faire regarder ce que, peut-être, nous pensions bestial et violent, d'une manière différente : nous savions qu'il y avait dans la lutte des règles, une culture (encore plus poussée avec les arts martiaux), un respect fort de son adversaire. Mais peut-être que l'essence du combat nous échappait. "Espace de vérité" (P. 83). Et ce combat physique peut nous entraîner à un combat pour rester fidèle à nos valeurs, nos idéaux, comme le montre cette quatrième vertu chevaleresque : "Montre du courage et bataille contre l'injustice." Suivie d'un prosaïque "Jolie phrase." (P. 86) Mais attention, ni moi ni ce chapitre ne faisons l'apologie de la violence, soyons clairs ! En outre, les combats ne sont pas tous des coups donnés. On peut se battre et faire mal avec les mots. 
Ce chapitre, lisez-le ! Vous le vivrez déjà plus. Vous comprendrez. Il est ardent et plein de passion. 

"Bienvenue chez les vivants." (P. 82)

L'histoire suivante est dans la continuité de ce corps-à-corps avec la vie. Cette fois, il s'agit de l'ascension de ce qu'Hugo qualifiait de "vaste symphonie en pierre" (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Paris, 1831, Edition Nationale, Livre III, chapitre 1), la cathédrale Notre-Dame qui fête ses huit cents cinquante ans. Et pour célébrer cet évènement, un groupe de jeunes décide de l'escalade en pleine nuit, non comme Alain Robert qui grimpe sur les gratte-ciels à mains nues, mais solidement sanglés et assurés. Malgré les lanières, le vertige les ramène, pour certains, à une peur qui prend au coeur. Mais qu'est-ce que je fais là ? Echo d'une peur plus métaphysique. Mais qu'est-ce que je fais là ? La pierre sous les doigts, les saillies de l'imposante Dame de pierre. Réalité. Ce passage m'en rappelle un autre, où un autre jeune homme avait escaladé la cathédrale. Un héros libre lui aussi. Mais un héros en fuite. Vango. Ici on ressent… Adrénaline. Peur. Ambiance. Urgence. Et au sommet, ivresse. Fierté. On s'est dépassé. Et c'est plus que de simples mots. C'est le choix, à chaque instant, de saisir une saillie, plus haut. De défier le vide. Non de faire disparaître sa peur, mais d'être plus forte qu'elle. "Ne regarde pas en bas, regarde là où tu veux aller." (P. 98) Ce conseil, on me l'a aussi donné en danse : "Quand tu tournes, regarde là où tu veux aller." Il faut savoir à la fois cueillir chaque instant, le savourer parce qu'il est unique, chaque seconde, cette respiration que vous venez de prendre, goûter l'air et le présent. Même s'il faut aussi savoir "regarder là où tu veux aller". Non, ce n'est pas paradoxal. Récemment, je me suis rendu compte que quoi que l'on prévoit, quelque chose d'autre se produit ou interfère. Systématiquement. Prévoir sur le long terme peut être rassurant. Mais c'est beau de se dire que l'aventure, l'imprévu, va aussi s'installer. Des rencontres que l'on n'attendaient pas et qui nous changent du tout au tout. Et le passé, me demandez-vous ? Le passé ne s'efface pas dès lors qu'il devient du présent ! Il nous sert à apprendre, à nous compléter, à se remémorer les bons moments.  Le passé est essentiel. C'est notre héritage. "Respecte l'héritage de tes pères…" nous dit la cinquième vertu.
Dans ce chapitre, la beauté d'une nuit à nulle autre pareille. Les étoiles au-dessus, le vide en-dessous, et le seul lien c'est cette pierre sous nos doigts et cette corde qui nous relie les uns aux autres. Jolie symbolique, non ? Ou alors c'est moi qui, creusant un peu trop, voit le ciel comme ces questions métaphysiques, la pierre comme notre Histoire et notre culture, le vide comme ce qui nous donne envie d'avancer, et les autres… dont on a toujours besoin. 

"Cette nuit restera gravée dans ta mémoire, crois-moi." (P. 98)

Le dénouement se profile dans cet avant-dernier chapitre. Mais je ne vous en parlerai pas afin que vous le découvriez vous-même… Il achève de tisser ce lien entre les chapitres précédents. Car vous pouvez vous demander, comme je me suis posé la question, pourquoi avoir rassemblé autant d'histoires disparates au sein de ce recueil ? Nous avons retrouvé en elles des thèmes communs : la vie, les choix, la liberté, l'avenir, la jeunesse, les vertus chevaleresques, la confrontation avec soi, la réalité, l'authenticité… Mais aussi la présence d'un "apprenti"et d'un "guide". D'un "bleu" et d'un "expérimenté". L'âge ne rentre pas forcément en ligne de compte. C'est d'expérience dont on parle ici. 
Un dernier mot… Ce livre est une quête initiatique. D'où le parallèle avec ce conte des "Sept bacheliers", qui devaient avant d'être adoubé, parcourir le monde et appliquer les vertus qu'ils s'engageraient à vivre… 

En route...

J'ai retrouvé avec bonheur la plume d'Eric l'Homme et son talent, son imagination, qui m'avaient captivée dans la lecture de la saga "Phaenomen". C'est puissant. Ardent. Passionné. Et c'est aussi pour cela que la jeunesse n'est pas une question d'âge. Comme l'a si bien dit Yoko Ono, la femme de John Lennon, "Certaines personnes sont vieilles à 18 ans et d'autres jeunes à 90 ans… Le temps est un concept inventé par les Hommes." Erik L'Homme a cette passion caractéristique de la jeunesse. Il n'a plus 18 ans, mais - et je ne prétends pas le connaître ou dresser une analyse psychologique de comptoir - il est jeune. Son texte l'est. Il a compris nos interrogations, nos passions, nos envolées, notre fougue. Et ces personnages sont nous. Ils ne m'ont pas spécialement marquée en tant que personnages - et puis il est dur de complexifier un protagoniste en peu de pages - mais parce qu'ils sont nous. Ils sont n'importe qui. Vous. Moi. Et cette manière qu'a Erik de saisir les choses et de les partager en peu de mots..."Cheveux roux, jolis sourire." Quatre mots, et pourtant une image s'est dessinée en nous. Sortie de notre imaginaire, elle est unique et propre à chacun, parce que nous n'avons pas les même sources ! On revient à ce désir d'un imaginaire foisonnant et vivant. 
On trouve en début de livre une sorte de préface écrite par l'auteur. Je la relis à la fin - je lis souvent les préfaces après le livre afin de me faire ma propre opinion de celui-ci. Puis je relis ou re-parcours le livre, avec cette compréhension, cette approche nouvelle - et je me rends compte que je n'ai pas tant mis l'accent sur ce lien entre les histoires. Ma chronique les analyse une par une, à la suite les unes des autres, en établissant peu de connexions entres elles. Mais dans chacune de ces histoires, Erik a dressé le portrait de jeunes insoumis. Qui se sont extirpés d'un système de formatage. Ils ne sont pas nécessairement marginaux, mais ils vivent vraiment. Ils réfléchissent par eux-même et s'interrogent sur le monde qui les entoure. Ils font leurs propres choix. Ils refont le monde. Comme nous. Ardente jeunesse ! Et voilà que je parle comme si j'en étais sortie, alors que non, je suis au coeur de cet âge splendide ! C'est incroyable d'avoir le choix, d'avoir cette passion, cette énergie ! C'est fou ! Gardons cette force. Elle se tempèrera avec l'âge, mais ne devenons pas aigris et brisés. Soyons des hommes et des femmes debout.

Safran






Erik L'Homme passe son enfance dans la Drôme provençale, proche de la nature et des livres. Il fait des études d'histoire, et après l'obtention de sa maîtrise, part à la découverte de l'Asie.Son premier livre parle de la langue et de la culture d'un ancien peuple vivant entre Pakistan et Afghanistan.
Aujourd'hui, il est de retour dans la Drôme à Poët-Laval, et partage son temps entre journalisme et écriture de romans.
(Babelio)




Le regard des princes à minuit, écrit par Erik L'Homme et paru le 6 Mars 2014 aux éditions Gallimard Jeunesse (collection Scripto). 144 pages, 7, 65 euros.


Un coup de coeur musical en lien avec le livre ?

I Lived (One Republic, Native,  Polydor, Interscope Records, 2013)





8 juillet 2014

Salmacis : "Tout en toi m'attire, même des choses que tu ignores encore sur toi…"


Faustine et Sasha ont dix-sept ans. Ils sont jumeaux. Et sans famille… ou presque. Inscrits dans un pensionnat d’élite en pleine montagne par leur tante marginale, ils découvrent un monde de sélection et de compétition, aux règles impitoyables. Charmant et sociable, Sasha devient vite populaire, tandis que Faustine reste à l’écart. Jusqu’à ce qu’elle ait une révélation inattendue, lors du choix d’une option sportive : le corps à corps avec la pierre et les rochers, l’escalade, c’est là qu’elle retrouve la sensation de vivre. Surtout lorsqu’elle est couvée par le regard violet d’Andrea Salvaggi, le mystérieux assistant du professeur. Leur lien est plus puissant qu’un simple coup de foudre, ils sont encordés… vers quel sommet ?

En me tendant un exemplaire du livre, l’adorable Lebonbonaucassis (des blog Jeblo et De la plume à lune) m’avait prévenue : « Ce bouquin a reçu des avis tranchés. Soit tu l’aimes, soit tu le détestes ! Avec lui, pas de demi-mesure. » Sans aller jusque là, je sors assez déçue de cette lecture dont j’attendais beaucoup. 

Je vais commencer par vous donner un conseil : pour profiter de ce livre, surtout ne cherchez pas à connaître le mythe de Salmacis. Vraiment ! Férue de mythologie, je savais de quoi il s’agissait, ce qui a annihilé tout suspens… L’auteur mise beaucoup sur ce dernier et je suis donc passée à côté d’une grande partie du récit. Vous voilà prévenus ! 

Je ne sais trop par où commencer. Le style de l’auteur compte pour beaucoup lors d’une lecture, et Emmanuelle de Jesus a choisi pour les dialogues un registre oral qui ne s’embarrasse pas de convenances et qui correspond tout à fait aux âges et aux pensées des protagonistes. Sans faire de puritanisme, j’aurais préféré un langage un peu plus châtié lors des discussions entre les protagonistes : il n’y a évidemment pas d’injures ou de vulgarités (on est chez Hachette tout de même !) mais c’est tout de même familier sur les bords. Néanmoins, pour ce qui n'est pas du dialogue, l'aisance, la fluidité et les références culturelles de cette plume m’ont vraiment plu. 
Parlons à présent de Faustine, héroïne de Salmacis, Faustine, la jumelle de Sasha, Faustine, ce mélange de confiance et de fragilité tellement adolescente... J’ai commencé le livre en me disant qu’elle serait falotte, je le termine en pensant qu’en fait elle a du caractère ! C’est un personnage profondément réel, dans laquelle je me suis retrouvée parfois, vraiment intéressante, mais… je ne m’y suis pas attachée tant que ça. Oui, c'est dommage. Et c’est un peu ce qui s’est passé tout au long du livre : c’était bien mais ça ne m’a pas plu tant que ça. Je ne m’attarderai pas trop sur les personnages, parce que pour être honnête je ne sais pas trop quoi dire, si ce n’est que Faustine se jette vite dans les bras d’Andrea (ou l’inverse ?). Et que, curieusement, ce sont les personnages secondaires les plus intéressants. La grande majorité des protagonistes est nuancée, humaine, et j’ai vraiment retrouvé cette complexité dans les figures du professeur d’escalade ou de la petite amie de Sasha par exemple. 

Pour en revenir à Faustine, la jeune fille est assez subjuguée par le séduisant assistant du professeur pour s’inscrire au cours d’escalade, et c’est ma première déception : le sport est une activité noble puisqu’elle ne paye qu’après des efforts, des chutes et des découragements, et qu’il faut donc une forte dose d’abnégation et de persévérance pour continuer malgré les défaites. Je m’attendais à un parallèle entre l’amour de Faustine pour Andrea et l’escalade, avec des hésitations, de franches avancées, des chutes même, ça aurait été vraiment intéressant. Ou alors c’est moi qui pousse un peu trop loin ? Qui suis trop idéaliste dans ma vision du sport ? Quoi qu’il en soit, Faustine se découvre un talent pour la grimpette et voit à peine passer les difficultés. Bon. Après tout, cette jeune fille manque de confiance en elle et si ces succès lui permettent d’en gagner un peu, c’est cohérent avec le livre, mais j’aurais préféré voir de la progression plutôt que du « tout cuit ». Néanmoins, on assiste à l’ « éclosion » de cette jeune fille effacée qui va faire preuve d’un vrai caractère doublé d’une répartie parfois incisive, en se détachant de son frère jumeau Sasha. Ce changement progressif et très bien raconté est un point fort du roman, même si c’est triste quand on y pense… Malgré ça, cette gémellité fusionnelle voire toxique est vraiment intéressante car c’est assez peu traité dans la littérature jeunesse. On en vient à la carte « famille » : le couple des parents des jumeaux avait l’air incroyable, j’aurais aimé en savoir plus sur eux. L’auteur aborde tout de même ces sujets par le biais de la tante des jumeaux, et j’espère que les parents seront plus évoqués dans les tomes suivants. 
Toujours dans la même veine, on en vient au secret d’Andrea (que je ne dévoilerai pas !). Je suis assez mitigée concernant sa famille : d’un côté elle est unique, intéressante mais chargée d’un lourd fardeau, et de l’autre elle m’a immédiatement rappelé les Cullen, ces vampires « végétariens » sortis de la saga Twilight. J’avoue avoir eu ma période, mais aujourd’hui ce livre ne me plaît plus, d’où cette déception modérée en les « retrouvant ».

Enfin, l’histoire en elle-même est très originale et c’est bien la première fois qu’elle se retrouve sur les rayons jeunesses. Le cadre du récit est lui aussi magnifique avec ce pensionnat au cœur des montagnes, les évènements sont bien amenés malgré certaines parties assez rapides, on retrouve diverses péripéties, les personnages sont variés et tout en nuances, et l’histoire d’amour juste assez impossible saura toucher les cœurs. En fait, ce livre a beaucoup de choses pour lui. Je m’en rend compte en relisant cette chronique : dans ce cas, d’où vient cette déception au sortir de ma lecture ? J’ai terminé ce bouquin en diagonale, déjà parce que nous n’avons le fin mot de l’histoire que dans les dernières pages et que je le connaissais en ouvrant le livre, mais aussi parce que je n’ai pas été si émue par la relation amoureuse entre Andrea et Faustine.

Pour conclure, je dirais que Salmacis a de très bonnes idées, pleines de potentiel, mais qu’elles n’ont pas assez été exploitées, et la romance est tendre mais prévisible. J’espère que les tomes suivants creuseront un peu plus et sauront me toucher !

J’espère n’avoir pas sapé votre désir immodéré de lire ce livre. Le dernier-né de la collection Black Moon a suscité des chroniques dithyrambiques et a conquis les cœurs de centaines de lecteurs, sans parler des éditeurs eux-même ! Ecrire un roman relève de la confiance entre l’auteur et le lecteur, et même s’il ne m’a pas plu au-delà de mes attentes, c'est du beau boulot et il ne me viendrait pas à l’esprit de critiquer le travail de l’auteur ! Félicitations à Emmanuelle de Jesus qui mérite vraiment sa place au sein de la collection Black Moon. 

                                                                                   



L’Élue est le premier tome de la saga Salmacis, écrite par Emmanuelle de Jesus, lauréate du tremplin Black Moon 2014, et parue dans la collection Black Moon aux éditions Hachette Jeunesse le 30 Avril 2014. Il fait 396 pages, coûte 16 € et peut être lu à partir de 13 ans selon Hachette.

7 juin 2014

Ici et maintenant - Cueille le jour



Voici l'histoire de Prenna James, une jeune fille de dix-sept ans qui a immigré à New York avec sa mère. Mais Prenna ne vient pas d'un autre pays. Elle vient d'une autre époque. Un futur où la vie est devenue impossible, ravagée par une pandémie tuant des millions de gens et laissant le monde en ruines… Prenna et ceux qui ont fui avec elle jusqu'au temps présent doivent se fondre dans la société actuelle en suivant des règles strictes : ne jamais révéler d'où ils viennent, ne jamais interférer dans le cours de l'Histoire et ne jamais, au grand jamais, développer de relations intimes avec quiconque en dehors de la communauté. Mais tout bascule lorsqu'elle tombe amoureuse d'Ethan Jarves. 

Ce résumé ne donne pas très envie. On sent l'histoire maintes fois répétées d'une jeune fille amoureuse d'un garçon qu'il lui est impossible d'aimer sous peine de graves dangers. Mais elle l'aime. Mais ils bravent l'interdit. Point final. 

Ce n'est pas ce que j'ai ressenti en commençant le livre. Je rentrais de voyage quand j'ai découvert sur mon bureau un paquet estampillé Gallimard Jeunesse, que je remercie grandement de leur envoi ! Car ces éditions fantastiques m'ont envoyé non seulement les épreuves non corrigées mais aussi le livre final ! Ma valise était pleine, il était dix heures du soir, j'étais crevée mais j'ai quand même commencé le bouquin parce qu'il me disait bien - non, ce n'est pas paradoxal! - Je l'avais repéré sur le programme Mai-Juin-Juillet de Gallimard Jeunesse et l'idée d'une pandémie à l'origine de cette fuite contrainte formait une trame originale et notable. J'ai donc entamé ce Brashares avec curiosité. Et j'ai très vite reposé ce bouquin - mais pas pour les raisons que vous croyez ! J'ai flairé tout de suite le roman génial, celui qu'il est impossible de lâcher et qui se dévore jusqu'à trois heures du matin - avec une valise à ranger, je devais remettre ma lecture à plus tard. Plus tard ? Un quart d'heure après je replongeai dedans. Sans surprise, je l'ai reposé à deux heures quarante du matin. Mais il m'a fallu deux lectures pour faire cette chronique et la première m'a plus plu que la seconde. 

Mention spéciale pour le livre-objet. Joli packaging, vous ne trouvez pas ?

Une particularité de ce bouquin est qu'Ann Brashares commence par narrer l'histoire du point de vue d'Ethan, oh pas bien longtemps, le temps d'un simple chapitre, avant de donner la parole à Prenna jusqu'à la dernière page. C'est intéressant même si je préfère le point de vue de la jeune fille, qui nous en apprend plus sur la pandémie et l'intégration difficile au monde actuel. La plume de Brashares retranscrit extrêmement bien les pensées adolescentes, comme elle l'avait prouvé dans Quatre filles et un jean. C'est fluide, c'est authentique, c'est tantôt drôle tantôt tragique, et on n'a pas besoin de descriptions minutieuses pour s'imaginer aux côtés des protagonistes ni de longues phrases pour nous faire sourire ou nous émouvoir. C'est vraiment un point fort pour s'immerger dans le récit : une bonne plume, qui se lit avec confiance et plaisir. 

Côté personnages j'ai eu l'agréable surprise de ne pas trouver de triangle amoureux : il existe encore des romans sentimentaux où les personnages n'ont pas le coeur qui balance entre vampire et loup-garou entre deux jeunes gens ! Par contre, rien d'original dans le couple Prenna-Ethan, très prévisible. Mais Prenna est intéressante par ses réflexions et ses pensées et Ethan est très touchant par son amour sincère et son côté timide et assuré à la fois. Ces deux jeunes un peu maladroits ne m'ont pas spécialement marquée mais j'ai passé un bon moment avec eux. J'ai un seul regret mais il vous spoilerait un véritable coup de théâtre, alors je me contenterai de paroles sybillines : j'aurais aimé qu'un personnage reste plus longtemps, pour qu'on puisse mieux s'y attacher. Il était très intéressant et j'aurais aimé en apprendre plus sur lui. Voilà, si vous lisez le livre vous saurez de qui je parle ! 

On entre dans le vif du sujet : le roman gravite autour de deux thèmes, cette romance impossible et une pandémie meurtrière qui a forcé les habitants futurs à fuir leur époque. C'est le point fort du récit, sa note originale. Le fléau ne vient pas directement des hommes, et pourtant, on comprend que si les moustiques transmettent la maladie, c'est l'Homme qui est à l'origine de celle-ci, par son comportement irrespectueux et sa soif intarissable d'énergie. 


Et ça, c'est le message du roman - j'ai tendance à en chercher dans toutes mes lectures en ce moment ! -  Je l'ai trouvé fort. 
Dans son apostrophe aux lecteurs - présente uniquement sur les épreuves non corrigées. Vous voulez que je le recopie ? - , Ann Brashares voulait qu'elle et nous soyons connectés. Et j'ai eu le sentiment fort que dans certains passages, Ann parlait directement. Ce n'était plus ses personnages, c'était vraiment elle qui s'adressait à nous. Ce roman nous fait prendre conscience d'une manière différente que la Terre repose sur un équilibre fragile et que chaque petit geste que nous faisons, chacun de notre côté, a un réel impact. Oui, ça ne change pas beaucoup des discours que nous entendons. Dans ce cas, pourquoi ce message est-il si fort ? Parce que Brashares nous montre l'après

C'est ça, la force du roman : il nous met en garde en nous montrant comment les choses pourraient évoluer. Vous me direz que c'est déjà le cas de dizaines de chansons, poèmes, livres et communiqués officiels et c'est vrai. Mais ce bouquin fait 314 pages et on a le temps de penser, de passer par toute une gamme d'émotions, de s'attacher aux personnages, d'en apprendre plus sur un hypothétique futur, et ce par les yeux d'une personne qui ne connaît pas notre époque, qui s'émerveille de pouvoir manger une mangue juteuse ou de se promener à l'air frais sans danger, tout en critiquant notre inconscience, notre société de consommation insatiable et notre incapacité à vivre le moment présent. Et tout ceci, on le lit on se le prend vraiment en pleine face dans des lettres de Prenna à son jeune frère Julius. Ce sont ces passages d'une page à peine qui m'ont le plus émue et le plus marquée. 


C'est vrai que hors contexte, en les lisant comme ça, ces lettres semblent jouer la carte du mélo. Mais ce n'est pas ce que dégage le livre. Non, on sent plutôt une sorte de joie, d'urgence aussi, et même si j'ai tendance à rendre tout ça très emphatique je pense que ce bouquin a vraiment quelque chose. L'idée d'un personnage extérieur n'est pas nouvelle, on le retrouve déjà dans Micromégas de Voltaire - ça sent encore l'oral de français ! - et pourtant ce thème n'est pas éculé. 

Pour finir, je dirais que si les personnages ne sont pas l'élément marquant de Ici et Maintenant, le dernier Brashares est porté par la plume spontanée de son auteur et par un message fort et actuel. Ce livre a frôlé le coup de coeur. Une bonne découverte !
                                        


Ici et Maintenant est un roman écrit par Ann Brashares et a été publié le 8 Avril 2014 par les éditions Delacorte Press sous le titre The Here and Now. Il fait 242 pages en langue anglaise et 314 en langue française. Le roman a été traduit en français par Vanessa Rubio-Barreau est est paru aux éditions Gallimard Jeunesse le 4 Juin 2014. Il coûte 16,50 euros.


Ann Brashares a grandi aux côtés de ses trois frères à Chevy Chase, dans le Maryland, avant d'étudier la philosophie au Barnard College, une branche de Columbia University à New York. Avant de continuer ses études de philosophie en école supérieure, Ann pris une année afin de travailler comme éditrice dans le but de mettre de l'argent de côté pour son école. Mais l'amour de son travail pris le dessus et elle n'étudia pas en école supérieure, restant à New York et travaillant de nombreuses années comme éditrice. Ann passa ensuite d'éditrice à auteur à plein temps grâce à sa première saga The Sisterhood of the Traveling Pants (Quatre filles et un jean). Ann et son mari vivent à New York avec leurs trois enfants. 
(Librement traduit du site Goodread)

27 avril 2014

16 ans, total fiasco



Jess et Fred vont donner un gala au profit d'une œuvre de charité. Ils viennent de recevoir les tickets, conçus par Jess. Mais tout reste à faire ! Pas de panique, ils n'ont plus qu'à... trouver un groupe de musique qui accepterait de se produire le soir de la Saint-Valentin, avoir de quoi nourrir cent personnes, et accorder leurs violons pour leur numéro de présentation – la spécialité des deux comiques en herbe. Mais Fred ne cesse de se défiler et ne semble pas s'investir dans l'organisation de la soirée. Et quand Flora leur propose un week-end au bord de la mer dans la maison de son copain, voilà qu'il fait la fine bouche ! Jess ne comprend décidément plus rien à l'attitude de Fred..


Merci aux éditions Gallimard Jeunesse pour l'envoi surprise du cinquième tome de la saga Jess Jordan ! N'ayant pas lu les quatre premiers, je craignais d'être perdue dans ma lecture : ça n'a pas été le cas et je ressors convaincue de ce sympathique bouquin. 

Jess Jordan est une adolescente de 16 ans - je ne vous apprends rien - dotée d'une incroyable capacité à s'attirer des ennuis. Distraite, un peu perdue parfois mais aussi très débrouillarde, l'héroïne de Sue Limb m'a vite conquise par son caractère et je me suis très souvent retrouvée en elle. Cette année, elle doit mener plusieurs batailles de front : d'une part, il faut qu'elle organise entièrement ce "Bal du Chaos" pour la St-Valentin, de l'autre elle doit gérer la tournure compliquée de ses sentiments pour le très lunatique Fred, et enfin il est urgent qu'elle s'y retrouve au milieu des nombres histoires amoureuses de sa mère - elle-même très gaffeuse. Telle mère telle fille !
Je ne suis pas très chick-lit en général, et même si c'est un genre sympa qui permet de se détendre, le ridicule de certaines situations dans les romans girly m'avait ennuyé : j'avais donc peur de retrouver ce schéma dans Total fiasco. Malgré ces a-prioris, j'ai commencé ma lecture avec enthousiasme - comme quoi, il ne faut pas juger un livre sur sa couverture ! Je devrais le savoir depuis le temps...
Je n'ai pas décollé tout de suite et le début m'a paru un peu ennuyeux. Mais il est vrai que Sue Limb est très claire à propos de ses personnages et que je n'ai jamais été perdue au milieu d'eux. Les relations entre les protagonistes sont évidentes, très bien expliquées sans que cela soit lourd ou répétitif et c'est vraiment agréable à lire. Le style de l'auteur est fluide, frais et très adapté aux pensées d'une jeune fille : la traductrice a réussi à rendre ce ton authentique et je la félicite pour son travail !
Au fil des pages je me suis attachée à Jess et j'ai suivi avec intérêt ses déboires avec une question en tête : comment s'en sortirait-elle ? En fait, je suis rentrée dans l'esprit de la jeune fille et j'ai eu les même craintes qu'elles, les même réactions parfois, j'ai retrouvé des dizaines de situations vécues auparavant - des délais non respectés, des contraintes de dernière minute ou des pertes embêtantes. Contrairement aux apparences, Jess n'est pas une fille passive qui subit sans rien dire : elle se démène pour trouver des solutions même si ça n'est pas si simple ! Sans parler de son copain Fred, image même de l'inutilité - c'est incroyable. Pourtant, on ne tombe jamais dans le cliché ni le fade et ce bouquin nous tire de grands sourires - et même de francs éclats de rire - par ses personnages terriblement réels. Toutes les situations décrites sont plausibles, amenées avec cohérence et achevées avec style. L'auteur regorge d'imagination et n'hésite pas à malmener ses personnages en inventant sans cesse de nouveaux ennuis et des rebondissements inattendus.

Sue Limb offre un roman aussi drôle que savoureux sur les situations hilarantes et compliquées de l'adolescence, qui m'a fait renouer avec la chick-lit et qui saura faire rire les ados - et leurs parents ! On s'y retrouve, on est embarqué dans l'histoire aux côtés des personnages et on ne lâche pas le livre, c'est un petit mo(nu)ment de bon humeur !

                                               

16 ans, total fiasco est un roman de Sue Limb publié en Juin 2010 chez Bloomsbury sous le titre original Five-Star Fiasco. Il est paru en France chez Gallimard Jeunesse le 10 Avril 2014 dans la collection Scripto. Traduit par Emmanuelle Casse-Castric, il fait 352 pages et coûte 13,50 €.

                                                      

Traduction (réalisée par mes soins : pas de copier-coller sur Google traduction, promis !) de la biographie tirée du (sympathique) site officiel de Sue Limb.

La première chose que Sue a écrite a été la lettre S, et celle-ci est restée sa préférée. 
Petite fille, elle écrivait sur les murs, mais à l'école elle reçut des cahiers d'exercices sur lesquels elle inventait des histoires d'enfants habitant sur des îles désertes et vivant d'incroyables aventures avec des chiens et des bateaux. Bien qu'elle est été un vrai garçon manqué, Sue était peureuse et découvrit qu'écrire permettait de vivre d'autres vies en ayant les pieds au sec. 

Adolescente, elle compris que faire rire les gens leur fait oublier combien on est ringard. La comédie fut un bon moyen pour elle de détourner les tuiles envoyées par la vie, comme les embarras ou l'anxiété. Elle s'essaya quelques temps à être professeur, mais ayant horreur d'imposer sa volonté aux autres (même son chien a du apprendre seul à s'asseoir et à rapporter des choses), ses jours en tant qu'institutrice furent peu nombreux.

Dès qu'elle se fut enfuie de l'Education Nationale, Sue publia un livre appelé Up the garden's path - l'histoire d'une professeure dont la vie est affreusement compliquée. Ce roman fut adapté à la radio et à la télévision dans une version où Imelda Staunton campait le rôle du personnage principal. Plus tard, Sue écrivit pour le journal The Guardian un feuilleton, Dulcie Domum’s Bad Housekeeping, traitant du même sujet - à la différence près que le personnage central est un écrivain. Mais pour se prouver qu'elle était capable d'écrire sur d'autres thèmes, Sue participa à la rédaction d'une biographie du Capitaine Oates, un héros de l'Antarctique.

Ecrire pour les jeunes a toujours représenté une part importante du travail de Sue, simplement parce que celle-ci considère qu'elle n'a pas encore grandi. Ces dernières années, elle a écrit la saga Jess Jordan et s'est replongée dans sa jeune enfance lors de la rédaction de la série Ruby Rogers. Parfois, Sue s'inspire des classiques littéraires en produisant de respectueuses et sympathiques parodies d'auteurs qu'elle admire.

Elle réside actuellement dans une ferme située dans un coin sauvage, rocheux et isolé du Gloucestershire. Et lorsqu'elle n'écrit pas, Sue aime sortir et s'occuper des plantes et de ses animaux. 

24 mars 2014

Roméo et Juliette - « Amour, donne-moi ta force, et cette force me sauvera. »



Vérone , XVIe siècle. 
Les deux plus puissantes familles de la ville, les Montague et les Capulet, se vouent une haine implacable. Mais lors d’un bal, Roméo Montague croise le regard de Juliette Capulet. Malgré la guerre qui déchire les deux clans, les adolescents tombent éperdument amoureux l’un de l’autre, et décident de vivre cet amour, quoi qu’il advienne… (Lecture Academy)

En proposant cette LC à Marie, je voulais remonter aux sources, découvrir enfin l'histoire de cet amour impossible, de cette passion qui est folie entre Roméo et Juliette. Je voulais lire cette tragédie qui a inspiré les dramaturges, les poètes, les auteurs, les artistes et les musiciens. Je m'attendais à un amour intense, poignant, transcendant, à une paire de claques dans la figure et à une empathie immense pour ces deux amants sur lequel le sort s'acharne. 

Point de tout cela. Je crois que ma déception est à la hauteur de mes attentes.

J'ai eu beaucoup de mal à rentrer et de l'histoire, et beaucoup moins à en sortir ! Malheureusement, j'ai été déçue par ce roman : pourtant, j'aime bien Shakespeare en général. J'avais globalement apprécié Othello, qui s'était laissé lire plus facilement que Roméo et Juliette.
En effet, j'ai retrouvé dans ce dernier les tournures sophistiquées si chères à Shakespeare : des phrases pleines de méandres, qui me perdent sur leurs chemins sinueux. Nuançons : ce dramaturge anglais a un talent remarquable pour écrire en vers tout au long du livre, sans répéter à tout bout de champ les mêmes rimes usées ; il ose des comparaisons audacieuses et pleines de lyrisme. Mais je n’ai apprécié sa plume qu’en la lisant à haute voix : enfin, les mots prenaient un sens !
En m’amusant à prendre les intonations des personnages et en me glissant dans leur corps, j’ai vraiment savouré certains passages. Les différents habitants de Vérone devenaient plus intéressants et sortaient de cette fadeur qui les caractérisaient presque tous. En fait, les personnages manquaient de charisme, de cette petite étincelle qui les distingue les uns des autres : un trait particulier, quelque chose qui m'empêche de retourner chaque fois à la page d'ouverture afin de voir à quel clan se rattachait tel personnage ! Mercutio, Benvolio, Tybalt étaient pour moi sources de confusion et cela a rendu ma lecture d'autant plus hachée. 

Les péripéties m'ont empêchées de refermer cette pièce : je dois admettre que Shakespeare manie plutôt bien l'art du rebondissement, un peu moins celui de la chute. Mais ce n'est que mon avis, et je n'ai pas assez de connaissances pour trop m'avancer. Simplement, je rejoint Molière qui disait que 'le théâtre n'est fait que pour être vu', du moins chez Shakespeare.
Je rouvrirai Roméo et Juliette dans un an ou deux, le temps de mûrir un peu et d'avoir une meilleure connaissance de la littérature anglaise. Parce qu'il ne faut jamais s'arrêter sur une déception !


Retrouvez ici l'avis de Marie

Roméo et Juliette est une pièce composée par William Shakespeare vers 1595 et publiée vers 1597, sous le titre original 'Romeo and Juliet '. Elle est parue aux éditions Livre de Poche Jeunesse le 08 Septembre 2010, fait 224 pages et coûte 5.5 €. 
Attention, la version Livre de Poche Jeunesse est abrégée ! Cependant, la couverture est plus belle et c'est pour ça qu'elle illustre cette chronique. Mais pour lire le texte en entier je vous conseille de vous tourner vers l'excellente collection Larousse, ou encore vers Librio.


William Shakespeare est un dramaturge anglais né aux environs du 23 Avril 1564 à Stratford on Avon, dans le comté de Warwickshire (Angleterre). Il étudie à l'upper school de Stratford avant de se tourner vers l'écriture : comédien, poète et dramaturge, ses oeuvres les plus célèbres sont Le Songe d'une nuit d'été (1592-1595), Hamlet (1595-1600), Macbeth et Le Roi Lear (1605-1607) et Roméo et Juliette (1592-1595). Il a écrit en tout une quarantaine de pièces, dont des comédies et des tragédies. Shakespeare s'éteint le 23 Avril 1616, à l'âge de 52 ans, et est enterré dans l'église de sa ville natale. (Inspiré par Larousse)


20 février 2014

Sujet : Tragédie - "Il est parfois difficile – voire impossible – de connaître la portée d’un choix avant que tout soit terminé"

Merci aux éditions Gallimard Jeunesse, qui ont accepté de m’envoyer les épreuves de « Sujet : Tragédie », le premier roman jeunesse de l’américaine Elizabeth LaBan. Mention spéciale pour la couverture, vraiment superbe et très représentative du livre : la blancheur de la neige, la silhouette qui court, ses teintes bleutées et ses moindres détails rappellent tous un élément du récit. Seule la phrase d’accroche me paraît sans rapport avec l’intrigue, mais elle est efficace et remplit bien sa fonction. Sans l’avoir ouvert, c’est la couverture qui m’a fait choisir ce roman parmi tous ceux du catalogue Janvier/Février, et je ressors assez satisfaite de cette lecture. 


« Cher Duncan, 
Quand j’ai appris que tu allais me remplacer, je n’y ai pas cru, à dire vrai. Peut-être devines-tu ce que je m’apprête à te révéler, mais je le ferai quand même. Il est important que tu saches pourquoi et comment les choses se sont passées. Il faut que quelqu’un sache – quelqu’un susceptible de se servir de mon expérience pour ne pas refaire les mêmes erreurs que les miennes. Sans doute. Je ne sais pas. En fait, je t’offre le meilleur des cadeaux, le meilleur des trésors dont tu puisses rêver. Je te donne la matière de ta disserte sur la tragédie. 
Amicalement, 
Tim »

Tim, c’est cet adolescent seul qui se cache des autres  à cause de son albinisme : admis au pensionnat Irving à New York, il doit passer par la case « aéroport », où il fait une rencontre décisive. Nouvelle. Une rencontre qui tient en un mot : Vanessa. De long cheveux blonds. Des tenues colorées. Un curieux mélange d’innocence et de séduction, qui ne m’a pas vraiment plu. Mais c’est très subjectif cette affinité qu’on crée avec les personnages, et je regrette de ne pas m’être mieux entendue avec ceux côtoyés pendant quatre heures ! Tim s’écrase tellement parfois devant des brutes qui, elles, savent exactement ce qu’elles font ! C’est agaçant et ça me fait de la peine pour lui. Mais une chose est sûre, ce livre est plutôt réaliste et dépeint parfaitement l’ambiance d’un lycée privé, avec ses traditions insolites, ses élèves et ses professeurs tellement proches de ceux qu’on croise tous les jours (tiens, à propos, les professeurs m'ont assez plu. Ils sont franchement originaux, et l'auteur a de bonnes idées les concernant) ! 
Ce "plutôt" que j'ai ajouté après-coup est dû à deux-trois situations complètement surréalistes. C'était franchement surprenant, trop rapide, trop irréel. Presque magique pour certaines. Un peu de poussière brillante qui se dépose sur l'encre de l'auteur. Une tempête de neige, des vols annulés, une réservation expresse, et du moka maison. Enfin, du moka "hôtel". Je me comprends ! 

L’intrigue est très bien menée et j’ai apprécié cette confrontation entre les intrigues, ces récits enchâssés qui se recoupent entre eux. C’est brillant de la part de l’auteur et je n'ai pas compris tout de suite ce parallèle avec la dissertation sur la tragédie que doivent rendre les terminales.

Un autre point positif repose sur l’idée originale d’utiliser des CDs pour transmettre l’histoire. Duncan, qui hérite de la chambre de Tim, reçoit également une pile de CDs qui retracent la dernière année du garçon. Ils les écoutent, un par un, sans pouvoir s'arrêter, sans vouloir s'arrêter. Et par allusions fines, Elizabeth LaBan nous emmène vers un évènement connu de tous les élèves et dont personne ne parle. Je vous laisse imaginer le suspens et l'attente qui se répand peu à peu dans notre esprit. Que. s'est-il. passé ? L'extrait reprit un peu plus haut donne le ton : nous lecteurs, un peu en-dehors du coup, sommes plongés au coeur de cet évènement dramatique qui s'est produit. Alors que Duncan et Tim en reparlent avec difficulté, nous le découvrons. Et l'auteur arrive bien à gérer ça, si bien qu'on a parfois l'impression que Tim s'adresse directement à nous.

Je ne me suis pas sentie très bien en lisant ce livre. Ce n'est pas un bouquin que l'on prend après une journée fatigante, c'est assez mastoc et plutôt prenant. Et c'est assez sombre dans l'ensemble, "un ténébreux orage / traversé çà et là par de brillants soleils" comme dirait Baudelaire. C'est très dur parfois, les personnages et les actions ne sont pas toujours reluisants : de la violence, de l'intimidation, de l'alcool qui circule... des tragédies. Il y a aussi des amours naissantes, mais je ne conseille pas ce livre pour se changer les idées. Et le comparer à "Nos étoiles contraires" de John Green me paraît un peu excessif, même si pour un premier roman, Elizabeth LaBan a su faire preuve d'originalité.
                                 

Ce livre est paru sous le titre original "The Tragedy Paper" le 1er Janvier 2013 aux éditions Knopf Books for Young Readers, et fait 312 pages en anglais. 
Il est sorti le 20 Février 2014 (aujourd'hui !) aux éditions Gallimard Jeunesse et fait 315 pages en français. Il a été traduit de l'anglais par Catherine Gibert. 

     

Elizabeth Laban a travaillé à NBC News, enseigné dans un collège communautaire, et écrit pour de nombreux journaux et magazines. "Sujet : Tragédie" est son premier roman pour la jeunesse. Elle vit à Philadelphie avec sa famille.

Le miroir brisé - "Un éclair de lumière jaillit en haut du tas d'immondices..."

Claire, une jeune fille solitaire et souvent livrée à elle-même, se glisse un jour dans une décharge laissées à l'abandon au fond de son jardin. Soudain, au milieu de toutes sortes de vieux objets hétéroclites, un vif éclat de lumière l'éblouit. Il provient d'un miroir brisé en forme d'étoile irrégulière. Le miroir est magique et le monde qu'il reflète tellement plus beau que celui dans lequel elle vit. Et si les rêves avaient le pouvoir de changer le monde ?


Merci aux éditions Gallimard Jeunesse pour cette découverte, malgré une lecture assez décevante.

A huit ans, Claire découvre un fragment de miroir sur une pile de déchets près de chez elle. L’enfant se rend vite compte que le miroir reflète une réalité onirique bien différente de ce qu’elle connaît: la grisaille du ciel se teinte de bleu vif, sa maison banale se transforme en château biscornu orné de coquillages, son tigre en peluche devient un fauve ronronnant, des dragons colorés se cachent derrière les cheminées des immeubles et son quotidien morose est complètement transformé. 
Les années passent et les images émanant du miroir changent, très lentement, presqu’imperceptibles. Pour Claire, c’est le temps de l’adolescence, des désillusions et des injustices. Et le lecteur se rend compte que ce fragment de verre reflète un monde rêvé par la jeune Claire : celle-ci pose désormais un regard nostalgique sur son miroir –son enfance, ou son imaginaire– et commence à grandir avec difficulté. Elle se heurte à beaucoup d’écueils, fait des rencontres et vit des séparations, découvre progressivement un monde parfois froid et injuste, tandis que de l’autre côté du miroir, les choses sont plus heureuses. Mais les regarder ne la satisfait pas vraiment, puisque ces belles visions sont des aperçus inaccessibles, et bien frustrantes. Et plus elle grandit, plus les reflets deviennent fugitifs. 

Je n'ai pas tellement apprécié le livre, qui me paraissait pourtant intéressant. On fait la connaissance de Claire, une jeune fille effacée et mal dans sa peau, qui a du mal à grandir et à trouver une place. C'est un personnage auquel je ne me suis pas attachée : même si Jonathan Coe se glisse avec réalisme dans la tête de la jeune fille - avec toutes les pensées qu'elle a aux différentes périodes de sa vie - j'ai trouvé la narration impersonnelle, presque froide. Pourtant, les descriptions du monde fantastique projeté par le miroir était superbes, pleines de couleurs et de sensations, et respectait une sorte d'harmonie dans les sons et la longueur des phrases. Ces passages sont vraiment agréables à lire, et le vocabulaire riche de l'auteur est un vrai bonheur pour le lecteur.

Ce monde chamarré et merveilleux nous est aussi représenté sous la forme de montages photo qui émaillent les pages : l'art est quelque chose de subjectif mais je dois dire que je n'ai pas aimé ces illustrations, assez particulières et trop chargées à mon goût. L'illustratrice mélange peinture, collage et photo dans ses images et le résultat m'a paru vraiment étonnant. Cette image en-dessous est un exemple de son travail, qui n'appartient pas au livre. 


Enfin, j'ai eu l'impression tout au long du livre de lire des ébauches d'histoire, comme si l'auteur ne terminait pas ces idées qu'il lance. C'est assez déroutant, et j'ai terminé cette lecture presque par principe. La scène finale a conforté mes doutes, et j'ai été très déçue par la façon brusque dont on quitte le livre. 

Il est très possible que je n'ai pas compris le message du "Miroir Brisé", d'autant que Jonathan Coe qualifie son livre de "politique (... sous) la forme d'un conte de fées. Il est intéressant mais ne m'a vraiment pas convaincue.

                                                       

Ce livre est paru sous le titre "Lo specchio dei desideri" ("Le miroir des désirs") en Septembre 2012 aux éditions Giangiacomo Feltrinelli Editore à Milan en Italie. Il a été écrit par Jonathan Coe et été illustré par Chiara Coccorese. 
Il a été traduit par Josée Kamoun et publié en France aux éditions Gallimard Jeunesse le 13 Février 2014. Il compte 112 pages et coûte 12, 50 euros.


Jonathan Coe est né en 1961 a Birmingham. Après des études à Trinity College (Cambridge) et un doctorat à l'université de Warwick, il devient professeur de littérature. Son roman Testament à l'anglaise le propulse sur la scène internationale. En 1998, Jonathan Coe reçoit le prix Médicis étranger pour La maison du sommeil. Le miroir brisé est son premier ouvrage pour la jeunesse. C'est, confesse-t-il, "l'un de mes livres les plus politiques même si je lui ai donné la forme d'un conte de fées."

10 novembre 2013

Black Out


Lac Gunflint, Minnesota, juin 1977. 
L’histoire en mots. 
« Les loups sont lancés à sa poursuite, galopant à travers la neige baignée par la lune, avec leur langue rouge pendante et leurs crocs blancs étincelants...» 
Ben Wilson, sourd de naissance d’une oreille, fait chaque nuit le même cauchemar… 
Mais pourquoi ces bêtes le traquent-elles ainsi ? 

Hoboken, New Jersey, octobre 1927. 
L’histoire en images. 
Rose, une fillette sourde-muette, est seule dans sa chambre. 
Ses parents lui interdisent de sortir à cause de son handicap. 
Rose contemple New York, et découpe des photos retraçant la carrière d'une star dans un magazine…

Ben vient de perdre sa mère, il est recueilli par son oncle et sa tante. 
Le garçon n’a jamais connu son père, il ignore tout de lui. 

Rose s’enfuit de chez elle et se rend à New York. Cachée derrière un paravent,
elle regarde cette actrice qu'elle admire tant...   

Ben découvre, une nuit, par temps d’orage, dans la maison de sa défunte mère, caché dans un placard, un livre sur les musées avec une dédicace : « Pour Danny, de tout mon coeur, M ». Et sur un marque page un numéro et une adresse à New York. Et si ce Danny était son père ? Il décide d’en avoir le coeur net, et saisit le téléphone… Mais, au moment où il colle son oreille sur le combiné, il est frappé par la foudre...

(Résumé tiré du site Babelio)


"Nous sommes tous au fond du trou, mais certains regardent les étoiles."
Black Out est un roman graphique réalisé par Brian Selznick, l'auteur de L'invention d'Hugo Cabret (le livre a d'ailleurs été adapté au cinéma par le réalisateur Martin Scorcese). Et dès les premières pages, on sait que les magiciens existent. Qu'ils savent nous toucher aussi bien avec leurs mots qu'avec leurs esquisses -fussent-elles en noir et blanc. 

Parce que la plume de Brian Selznick est belle et pleine de tendresse, emplie d'un brin de nostalgie et de tant d'authenticité. 
Parce que son crayon est empreint de finesse et révèle un talent immense : il confère aux dessins une vie palpable : un simple jeu de lumière fait pétiller les yeux inanimés des personnages, leur donne un air désespéré ou un sourire rayonnant, nous emmène dans les sombres ruelles new-yorkaises ou dans la salle de cinéma muet d'une petite bourgade américaine. 

L'histoire est faite de fils de vies entremêlés qui se croisent et de personnages qui se rencontrent, sans que nous connaissions les liens qui les unissent. Mais Selznick ménage le suspens jusqu'aux dénouements époustouflants. Des dénouements, et non pas un seul tomber final de rideau. Des chutes surprenantes et inattendues : un peu comme dans les Agatha Christie, où l'on pressent quelque chose sans toujours arriver à mettre le doigt dessus, et ce désir de connaître enfin la solution nous fait dévorer Black Out d'une traite.

En effet, et malgré ses apparences de pavé, surtout ne reposez pas ce bouquin. 
Vraiment. 
Vous passeriez à côté d'un livre exceptionnel, un de ceux qui vous immergent dans l'histoire et dont vous ressortez différent. Les dessins de Selznick prennent aussi une place importante, et tant mieux ! Car ils sont magnifiques : mon seul regret est qu'ils soient parfois imprimés sur deux pages, et donc pliés au centre. Malgré ça, ils nous invitent à nous pencher sur la finesse de leurs traits en regardant les formes qui naissent du graphite. Des lieux. Des visages. Ceux des personnages. Parmi eux... Rose et Ben. Deux enfants sourds et solitaires. Deux enfants débrouillards et courageux, qui malgré leur jeune âge et leur surdité, prennent leur valise et leur courage à deux mains, et affrontent la trop Grande Pomme pour retrouver ce qui leur est cher. 
On se sent assez proche d'eux. Parce que pendant toute notre lecture, on est avec eux. On en sait aussi peu qu'eux, alors on les suit, on déambule, on se perd, on rencontre et on découvre. Avec plaisir. Avec émotion. Avec bonheur. Avec eux.
Si ma chronique est très décousue, Black Out lui garde un fil conducteur et une trame pleine de réflexion et d'émotion.
Alors si vous voyez sa couverture bleu nuit se détacher sur le présentoir d'une bibliothèque ou d'une librairie... foncez ! 


Black Out (titre original : Wonderstruck), écrit par Brian Selznick (traduction faite par Danièle Laruelle), et publié en Mars 2012 aux éditions Bayard Jeunesse. 16 euros 90.