Chers lecteurs et lectrices,
Plutôt que de consacrer d'infimes chroniques à des ouvrages séparés les uns des autres, j'ai décidé de proposer des compilations d'ouvrages lus par saisons. En ce mois d'automne, j'ai tenté de lire un peu chaque soir, pour ne pas perdre une habitude que la consommation excessive d'écrans. Cette discipline a été couronnée d'un succès relatif, qui n'a pas empêché la découverte de belles nouveautés.
On commence avec le premier ouvrage de ma liste, un livre de la gynécologue-obstétricienne à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, Laura Berlingo. Dans un style simple mais précis, Une sexualité à soi nous donne des clefs d'analyse d'une sexualité épanouie, et nous aide à sortir des complexes, tabous et autres idées reçus sur ce qui touche notre intimité. Sa carrière parallèle de vulgarisatrice sexo (Podcasts "Qui m'a filé la chlamydia" et "Coucou le Q" lui ont permis d'adopter un discours clair, à destination de ceux qui s'interrogent sur le sujet. Passionnant, instructif et très inspirant. Je l'ai également trouvé assez inclusif, ce qui me semble nécessaire dans ce domaine aussi sensible que personnel. A lire et offrir, je le recommande vivement.
En bonne enseignante de philosophie en Terminale, je suis toujours à la recherche de bons bouquins de vulgarisation à conseiller à mes proches et / ou mes élèves. En fouinant dans la bibliothèque de ma ville, j'ai mis la main sur un exemplaire de Philothérapie, un ouvrage de fiction d'Eliette Abécassis qui entend vulgariser les concepts philosophiques traitant de l'amour. La narratrice met en scène Juliette, une femme désillusionnée sur ses relations amoureuses, que les amants déçoivent et la réalité ennuie. Elle décide donc de s'inscrire à un cours virtuel de Philothérapie, qui comme son nom l'indique mêle la philosophie à la psychologie. D'entrée de jeu, j'étais un peu mal à l'aise avec ce mélange hybride puisque c'est un professeur de philosophie (dixit) qui entend proposer des remèdes aux peines de coeur de l'intéressée, en lui proposant une introspection doublée d'une analyse de ce qu'elle attend de l'amour. Ce mélange des genres ne me plaît pas beaucoup, mais j'aurais pu m'y attendre avec le titre. Lassée, j'ai fini par abandonner l'ouvrage non sans me spoiler la fin pour avoir le dénouement de cette drôle d'histoire. Lequel dénouement m'a laissée franchement dubitative : quel drôle de message... Je ne conseille pas cet ouvrage, auquel je dois cependant reconnaître le mérite d'exposer en termes simples des thèses philosophiques souvent complexes.
J'aime beaucoup l'engagement de Camille Etienne. Cette condisciple de Sciences Po Paris, que je ne connais pas personnellement, est une jeune femme touchante et inspirante dont l'excellente rigueur intellectuelle est doublée par un véritable courage politique et une belle capacité argumentaire. Son compte Instagram, un temps baptisé @grainedepossible, a aujourd'hui pris son nom car la militante est de plus en plus connue. Son interview pour Brut révèle une jeune femme qui s'efforce de concilier sa profonde conscience écologique avec les préoccupations d'une étudiante d'une vingtaine d'années à qui la célébrité ne monte pas à la tête. Aussi c'est avec plaisir que j'ai emprunté cet ouvrage, lu peu de temps après. Sa plume est belle, très lyrique et descriptive. Son style est engagé, comme on peut s'en douter. Et si j'aime et partage une grande partie de son combat, je n'ai pu m'empêcher de trouver parfois une forme de naïveté qui n'est que le corollaire d'un idéalisme profondément enraciné dans le concret. Son discours est audible car très documenté tout en étant enrichi par une expérience militante de terrain. Mais s'il a le mérite de ne pas sombrer dans le désespoir ou la culpabilisation, je le trouve parfois difficile à pratiquer, à appliquer dans la vie quotidienne. Néanmoins, on sait bien qu'entre ce qu'il faudrait faire et ce qui est fait existe un véritable fossé... Aussi je le conseille pour lecture et relecture, afin de s'imprégner davantage de son engagement quotidien d'une grande humilité.
Game Ovaire est le fruit d'une collaboration avec les éditions Helvetiq, que je remercie pour cet envoi presse. Je donnerai évidemment mon avis transparent et n'ai de surcroît pas été rémunérée d'aucune façon pour parler de cet ouvrage.
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J'ai découvert avec plaisir l'ouvrage de Lucia Sillig. Extrêmement documenté et sourcé, mais aussi illustré avec humour et un sacré coup de crayon, ce mélange hybride de roman graphique, essai et BD vise à mettre en lumière les arguments prétendument scientifiques les plus obsolètes, particulièrement ceux emprunts d'une grande misogynie et d'un sexisme non dissimulé. Récemment, en classe, nous avons parlé avec mes élèves des travaux de Bertrand Russell et de Karl Popper sur la notion de falsifiabilité de la science, et sur les tâtonnements qu'elle rencontre dans sa marche vers la vérité. Sans jamais remettre en cause la bonne volonté des scientifiques, ces deux philosophes ont mis en avant le fait que les protocoles scientifiques sont parfois lacunaires, biaisés, arrivant à des résultats perfectibles qui ne sont qu'une réponse temporaire et améliorable à des questions légitimes et profondes. Ainsi, toute science est une marche vers la vérité, rigoureuse et objective, mais qui peut gagner en précision et en exactitude. La certitude n'est ainsi que l'état mental temporaire, fruit d'un protocole expérimental concluant mais non absolu. Ainsi, il est possible de montrer que certains travaux scientifiques ont pu commettre - à tort ou à dessein - de véritables échecs, présentant parfois des résultats comme immuables et définitifs. On apprécie donc d'autant mieux la mise en lumière de travaux plus complets, plus aboutis, moins biaisés peut-être, qui nuancent voire corrigent des siècles de clichés parfois sexistes et misogynes. Le caractère éminemment inclusif de cet ouvrage reflètent la démarche structurelle de son autrice : faire droit à la vérité scientifique. Dense et documenté, il demande de la réflexion et du temps pour parfaitement assimiler le contenu de ses nombreux articles aux titres volontiers humoristiques, parfois grinçants. Il m'a permis de découvrir quantité de choses sur le fonctionnement biologique, la communication et la reproduction. De plus, il met en avant des profils de chercheurs comme de chercheuses, ce qui a le mérite de donner plus d'espace aux femmes dans des domaines longtemps assimilés à des "boys club". Un must, à mettre sous le sapin !
Autant j'ai détesté l'ouvrage de Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital, que je trouve condescendant et méprisant ; autant j'ai adoré ma lecture de La tyrannie du divertissement, d'Olivier Babeau. Dans son essai très document, l'auteur retrace la genèse du loisir, de l'otium grec au jeux de la Cour, jusqu'à la métamorphose de ce concept avec l'apparition de l'écran (TV, puis tablette, smartphone, etc). Bien que le sous-titre soit volontairement provocateur, il propose une réflexion tout à fait passionnante sur la dépossession du temps libre par des industries du divertissement destinées à troquer le vrai repos, par du "bruit" et des stimulations qui ne nous permettent plus de mettre nos conscience à l'arrêt. Dans un monde de constante stimulation, ou la capacité de faire plusieurs choses en même temps (multitasking) est érigée en atout professionnel, l'auteur milite pour un retour au repos en conscience et à une utilisation raisonnée et volontaire de ces outils digitaux qui ont transformé nos vies. En tant que personne ayant supprimé il y a des mois, toute plateforme de VOD / streaming, mais qui continue de nourrir une relation quasi fusionnelle avec son smartphone, je me suis sentie concernée sans jamais être culpabilisée. Je recommande vivement cet ouvrage !
Monarques - Les Corbeaux et les Renards, est le fruit d'une collaboration avec les éditions Helvetiq, que je remercie pour cet envoi presse. Je donnerai évidemment mon avis transparent et n'ai de surcroît pas été rémunérée d'aucune façon pour parler de cet ouvrage.
Collaboration commerciale - Produit offert.
J'ai eu l'occasion de découvrir le travail conjoint du scénariste Guillaume Plassans et du dessinateur Rom Montalban dans le cadre d'un envoi presse. A dire vrai, la couverture m'a intriguée. Loin d'une relecture classique des Fables de La Fontaine, Monarques revisite le genre et transpose les protagonistes animaux dans un récit de guerre et de conquête du pouvoir. Mensonge, trahison et duplicités président le banquet de cette narration haletante que je n'ai pu décrocher dès le moment où j'ai ouvert le roman graphique. Le style est nerveux, et j'ai particulièrement goûté au style de Guillaume Plassans, tout en alexandrins. Nullement artificiel, cet exercice de rédaction offre à une prose qui n'en est plus une, une distinction et un rythme élégant. La fin a achevé de couronner cette lecture d'un franc succès, tout en me laissant fortement attristée devant la bassesse des instincts bestiaux. Mais ce ne sont que des animaux... à moins qu'ils ne soient notre parfait miroir mental, à l'image froidement parfaite de nos propres moeurs corrompues ?
Un dernier pour la route. La particularité de cet ouvrage, que j'ai découvert bien après tout le monde, est qu'il n'a pas été lu mais ... écouté. Je reviendrai prochainement vous parler du service de livres audio BookBeats, que j'ai découverts à l'occasion d'une collaboration avec la créatrice de contenue et entrepreneuse Léa Coffrant, alias Je ne suis pas jolie. Les trois voix des lectrices s'entremêlent en une narration pudique et tendre, qui tresse (je devais...) un lien entre trois femmes d'âges et d'horizons variés. J'ai profondément aimé ce livre, pour la beauté et la simplicité de la plume de l'autrice, pour l'authenticité et la pureté brute des vies qu'elles rapporte, pour la voix exclusivement féminine qu'elle porte. De la caste des intouchables aux bureaux d'avocats canadiens, en passant par un atelier familial de tissage sicilien, les mots nous promènent dans trois environnements distincts mais où soufflent le même vent de liberté, les mêmes aspirations de vie meilleure et de dignité. Si vous ne l'avez pas lu, je vous le recommande chaudement. Et si vous l'avez lu, n'hésitez pas à l'écouter !
C'est sur cet ouvrage que s'achève le bilan de mes lectures d'automne. Je reviendrai sans faute dans quelques semaines avec un exercice similaire sur mes lectures d'hiver (qui, rassurez-vous, ne seront pas des romances à l'eau de rose sur fond de neige et de feu de cheminée...). Si vous êtes toujours là, merci d'avoir lu cette chronique : n'hésitez pas à l'évaluer par étoiles ou par commentaire, et la partager autour de vous. Je me réjouis aussi de découvrir vos propres lectures d'automne, qui sauront m'inspirer pour bouquiner au chaud !
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