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20 février 2014

Sujet : Tragédie - "Il est parfois difficile – voire impossible – de connaître la portée d’un choix avant que tout soit terminé"

Merci aux éditions Gallimard Jeunesse, qui ont accepté de m’envoyer les épreuves de « Sujet : Tragédie », le premier roman jeunesse de l’américaine Elizabeth LaBan. Mention spéciale pour la couverture, vraiment superbe et très représentative du livre : la blancheur de la neige, la silhouette qui court, ses teintes bleutées et ses moindres détails rappellent tous un élément du récit. Seule la phrase d’accroche me paraît sans rapport avec l’intrigue, mais elle est efficace et remplit bien sa fonction. Sans l’avoir ouvert, c’est la couverture qui m’a fait choisir ce roman parmi tous ceux du catalogue Janvier/Février, et je ressors assez satisfaite de cette lecture. 


« Cher Duncan, 
Quand j’ai appris que tu allais me remplacer, je n’y ai pas cru, à dire vrai. Peut-être devines-tu ce que je m’apprête à te révéler, mais je le ferai quand même. Il est important que tu saches pourquoi et comment les choses se sont passées. Il faut que quelqu’un sache – quelqu’un susceptible de se servir de mon expérience pour ne pas refaire les mêmes erreurs que les miennes. Sans doute. Je ne sais pas. En fait, je t’offre le meilleur des cadeaux, le meilleur des trésors dont tu puisses rêver. Je te donne la matière de ta disserte sur la tragédie. 
Amicalement, 
Tim »

Tim, c’est cet adolescent seul qui se cache des autres  à cause de son albinisme : admis au pensionnat Irving à New York, il doit passer par la case « aéroport », où il fait une rencontre décisive. Nouvelle. Une rencontre qui tient en un mot : Vanessa. De long cheveux blonds. Des tenues colorées. Un curieux mélange d’innocence et de séduction, qui ne m’a pas vraiment plu. Mais c’est très subjectif cette affinité qu’on crée avec les personnages, et je regrette de ne pas m’être mieux entendue avec ceux côtoyés pendant quatre heures ! Tim s’écrase tellement parfois devant des brutes qui, elles, savent exactement ce qu’elles font ! C’est agaçant et ça me fait de la peine pour lui. Mais une chose est sûre, ce livre est plutôt réaliste et dépeint parfaitement l’ambiance d’un lycée privé, avec ses traditions insolites, ses élèves et ses professeurs tellement proches de ceux qu’on croise tous les jours (tiens, à propos, les professeurs m'ont assez plu. Ils sont franchement originaux, et l'auteur a de bonnes idées les concernant) ! 
Ce "plutôt" que j'ai ajouté après-coup est dû à deux-trois situations complètement surréalistes. C'était franchement surprenant, trop rapide, trop irréel. Presque magique pour certaines. Un peu de poussière brillante qui se dépose sur l'encre de l'auteur. Une tempête de neige, des vols annulés, une réservation expresse, et du moka maison. Enfin, du moka "hôtel". Je me comprends ! 

L’intrigue est très bien menée et j’ai apprécié cette confrontation entre les intrigues, ces récits enchâssés qui se recoupent entre eux. C’est brillant de la part de l’auteur et je n'ai pas compris tout de suite ce parallèle avec la dissertation sur la tragédie que doivent rendre les terminales.

Un autre point positif repose sur l’idée originale d’utiliser des CDs pour transmettre l’histoire. Duncan, qui hérite de la chambre de Tim, reçoit également une pile de CDs qui retracent la dernière année du garçon. Ils les écoutent, un par un, sans pouvoir s'arrêter, sans vouloir s'arrêter. Et par allusions fines, Elizabeth LaBan nous emmène vers un évènement connu de tous les élèves et dont personne ne parle. Je vous laisse imaginer le suspens et l'attente qui se répand peu à peu dans notre esprit. Que. s'est-il. passé ? L'extrait reprit un peu plus haut donne le ton : nous lecteurs, un peu en-dehors du coup, sommes plongés au coeur de cet évènement dramatique qui s'est produit. Alors que Duncan et Tim en reparlent avec difficulté, nous le découvrons. Et l'auteur arrive bien à gérer ça, si bien qu'on a parfois l'impression que Tim s'adresse directement à nous.

Je ne me suis pas sentie très bien en lisant ce livre. Ce n'est pas un bouquin que l'on prend après une journée fatigante, c'est assez mastoc et plutôt prenant. Et c'est assez sombre dans l'ensemble, "un ténébreux orage / traversé çà et là par de brillants soleils" comme dirait Baudelaire. C'est très dur parfois, les personnages et les actions ne sont pas toujours reluisants : de la violence, de l'intimidation, de l'alcool qui circule... des tragédies. Il y a aussi des amours naissantes, mais je ne conseille pas ce livre pour se changer les idées. Et le comparer à "Nos étoiles contraires" de John Green me paraît un peu excessif, même si pour un premier roman, Elizabeth LaBan a su faire preuve d'originalité.
                                 

Ce livre est paru sous le titre original "The Tragedy Paper" le 1er Janvier 2013 aux éditions Knopf Books for Young Readers, et fait 312 pages en anglais. 
Il est sorti le 20 Février 2014 (aujourd'hui !) aux éditions Gallimard Jeunesse et fait 315 pages en français. Il a été traduit de l'anglais par Catherine Gibert. 

     

Elizabeth Laban a travaillé à NBC News, enseigné dans un collège communautaire, et écrit pour de nombreux journaux et magazines. "Sujet : Tragédie" est son premier roman pour la jeunesse. Elle vit à Philadelphie avec sa famille.

Le miroir brisé - "Un éclair de lumière jaillit en haut du tas d'immondices..."

Claire, une jeune fille solitaire et souvent livrée à elle-même, se glisse un jour dans une décharge laissées à l'abandon au fond de son jardin. Soudain, au milieu de toutes sortes de vieux objets hétéroclites, un vif éclat de lumière l'éblouit. Il provient d'un miroir brisé en forme d'étoile irrégulière. Le miroir est magique et le monde qu'il reflète tellement plus beau que celui dans lequel elle vit. Et si les rêves avaient le pouvoir de changer le monde ?


Merci aux éditions Gallimard Jeunesse pour cette découverte, malgré une lecture assez décevante.

A huit ans, Claire découvre un fragment de miroir sur une pile de déchets près de chez elle. L’enfant se rend vite compte que le miroir reflète une réalité onirique bien différente de ce qu’elle connaît: la grisaille du ciel se teinte de bleu vif, sa maison banale se transforme en château biscornu orné de coquillages, son tigre en peluche devient un fauve ronronnant, des dragons colorés se cachent derrière les cheminées des immeubles et son quotidien morose est complètement transformé. 
Les années passent et les images émanant du miroir changent, très lentement, presqu’imperceptibles. Pour Claire, c’est le temps de l’adolescence, des désillusions et des injustices. Et le lecteur se rend compte que ce fragment de verre reflète un monde rêvé par la jeune Claire : celle-ci pose désormais un regard nostalgique sur son miroir –son enfance, ou son imaginaire– et commence à grandir avec difficulté. Elle se heurte à beaucoup d’écueils, fait des rencontres et vit des séparations, découvre progressivement un monde parfois froid et injuste, tandis que de l’autre côté du miroir, les choses sont plus heureuses. Mais les regarder ne la satisfait pas vraiment, puisque ces belles visions sont des aperçus inaccessibles, et bien frustrantes. Et plus elle grandit, plus les reflets deviennent fugitifs. 

Je n'ai pas tellement apprécié le livre, qui me paraissait pourtant intéressant. On fait la connaissance de Claire, une jeune fille effacée et mal dans sa peau, qui a du mal à grandir et à trouver une place. C'est un personnage auquel je ne me suis pas attachée : même si Jonathan Coe se glisse avec réalisme dans la tête de la jeune fille - avec toutes les pensées qu'elle a aux différentes périodes de sa vie - j'ai trouvé la narration impersonnelle, presque froide. Pourtant, les descriptions du monde fantastique projeté par le miroir était superbes, pleines de couleurs et de sensations, et respectait une sorte d'harmonie dans les sons et la longueur des phrases. Ces passages sont vraiment agréables à lire, et le vocabulaire riche de l'auteur est un vrai bonheur pour le lecteur.

Ce monde chamarré et merveilleux nous est aussi représenté sous la forme de montages photo qui émaillent les pages : l'art est quelque chose de subjectif mais je dois dire que je n'ai pas aimé ces illustrations, assez particulières et trop chargées à mon goût. L'illustratrice mélange peinture, collage et photo dans ses images et le résultat m'a paru vraiment étonnant. Cette image en-dessous est un exemple de son travail, qui n'appartient pas au livre. 


Enfin, j'ai eu l'impression tout au long du livre de lire des ébauches d'histoire, comme si l'auteur ne terminait pas ces idées qu'il lance. C'est assez déroutant, et j'ai terminé cette lecture presque par principe. La scène finale a conforté mes doutes, et j'ai été très déçue par la façon brusque dont on quitte le livre. 

Il est très possible que je n'ai pas compris le message du "Miroir Brisé", d'autant que Jonathan Coe qualifie son livre de "politique (... sous) la forme d'un conte de fées. Il est intéressant mais ne m'a vraiment pas convaincue.

                                                       

Ce livre est paru sous le titre "Lo specchio dei desideri" ("Le miroir des désirs") en Septembre 2012 aux éditions Giangiacomo Feltrinelli Editore à Milan en Italie. Il a été écrit par Jonathan Coe et été illustré par Chiara Coccorese. 
Il a été traduit par Josée Kamoun et publié en France aux éditions Gallimard Jeunesse le 13 Février 2014. Il compte 112 pages et coûte 12, 50 euros.


Jonathan Coe est né en 1961 a Birmingham. Après des études à Trinity College (Cambridge) et un doctorat à l'université de Warwick, il devient professeur de littérature. Son roman Testament à l'anglaise le propulse sur la scène internationale. En 1998, Jonathan Coe reçoit le prix Médicis étranger pour La maison du sommeil. Le miroir brisé est son premier ouvrage pour la jeunesse. C'est, confesse-t-il, "l'un de mes livres les plus politiques même si je lui ai donné la forme d'un conte de fées."