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4 juillet 2013

Everness : tome 1 : L'odyssée des mondes


Everett Singh est un adolescent différent des jeunes qu'il côtoie. Son père lui a donné le nom d'un savant, il organise avec lui des soirées cuisines durant lesquelles ils préparent des spécialités culinaires du monde entier, des plats thaïs aux plats mexicains, ils se rendent ensemble à des conférences de l'Institut d'Art Contemporain, s'intéressent aux nanotechnologies et à la physique quantique.
C'est justement un soir pluvieux comme offre Londres, que Tejendra Singh se fait enlever sous les yeux d'Everett par des hommes vêtus de noir alors qu'il l'emmenait à une conférence de l'ICA. Et quelques heures plus tard, Everett découvre sur Dr Quantum, sa tablette tactile,  un enchevêtrement de noeuds et de fils complexe envoyé anonymement, portant le nom d'Infundibulum, ou une structure creuse ayant la forme d'un entonnoir. Alors qu'il dénoue les fils, il ne sait pas encore ce qui tient dans cette surprenante toile d'araignée. Et devant l'incompétence des autorités policières prévenues, Everett décide de partir lui-même à la recherche de son père. Mais où est-il donc parti, et pour quel motif a-t-on enlevé le savant ?

Je remercie les Editions Gallimard pour l'envoi de ce livre.


C'est peut-être la couverture qui m'a intriguée. Une image verte, une sorte de halo fantomatique entourant un dirigeable sombre qui se découpe dans le clair-obscur pluvieux d'une ville futuriste. Ou peut-être que c'est le titre : Everness, un titre qui rappelle autant l'infini que les brumes écossaises. Mais détrompez-vous, l'histoire ne se déroule pas dans les Highlands. En fait, elle ne se déroule même pas dans notre univers. Ian Macdonald nous emmène dans un univers parallèle après nous avoir démontré la possibilité quantique du Multivers : c'est une théorie (à la mode, serais-je tentée de dire) selon laquelle il n'existerait pas un, mais plusieurs univers. Les scientifiques s'interrogent, réfléchissent à des déformations de l'espace-temps (on peut parler par exemple de la théorie d'Einstein, mais il n'est pas le seul à avoir émis cette idée, qui a été formulée dès l'Antiquité si je me souviens bien, d'après mes rapides recherches). Hypothèse science-fictionniste ? Quoi qu'il en soit, c'est le thème du roman. 

Parlons déjà d'Everett. C'est un adolescent qui doit avoir mon âge ou presque, et qui s'intéresse à des notions incroyablement complexes : plusieurs fois, j'ai du relire des passages pour les comprendre, et il y en a que je n'ai pas compris, même après plusieurs relectures ! Il parle avec aisance et même une certaine poésie de la physique quantique, d'ensembles de Mandelbrot comme celui de la photo ci-contre : c'est un algorithme compliqué trouvé aux XXe siècle, et que je ne saurais pas expliquer ! 

Mais surtout, il est très authentique : contrairement à certains "héros parfaits", il ne parvient pas à rattraper son père qui se fait kidnapper. Il réagit vite, mais comme pourrait le faire un garçon de son âge, a des réflexes très humains. Il cuisine, grommelle, court vite, fait du sport, se dispute, réfléchit... C'est un personnage auquel on pourrait s'identifier par certains côtés ; mais je me suis faite une remarque étonnante : certains personnages de romans que j'aime bien voire beaucoup, ne seraient pas forcément mes amis dans la vie réelle. C'est assez paradoxal, non ? 

La première partie du roman, qui se déroule dans le monde que nous connaissons, est une sorte de scène d'introduction, comme on trouve dans les pièces de théâtre : elle présente certains personnages, la situation de départ et le peu d'éléments en la possession d'Everett : ce mystérieux "Infundibulum", la pop star blonde et le skinhead sorti d'un autre univers (au sens figuré et au sens propre !) qui le veulent absolument, la découverte surprenante d'une Londres ensoleillée qui aurait des ressemblances avec une cité marocaine, et d'Univers E2, E3, E10... dans lesquels on peut se rendre au moyen d'une porte de Heisenberg. 

Mais le roman commence vraiment lorsqu'Everett s'enfuit dans E3, une Londre futuriste et steampunk que j'imagine grise et sombre. Un ensemble de bâtiments anciens, en brique rouge ou foncée, des lumières un peu glauques... La couverture, en fait. Nous y faisons la connaissance de Sen, une gamine vive et délurée qui évolue avec une aisance déconcertante dans les rues et sur les toits de cette deuxième Londres. Elle est très attachante, on l'imagine de petite taille, sans cesse en mouvement !

"Le Londres 'steampunk' d'Ian Macdonald nous en met plein la vue", écrit Paolo Bacigalupi : comme c'est vrai ! L'auteur nous donne plein de petits détails, décrit avec précision et finesse les rues, les personnes, le langage (parfois incompréhensible) des habitants de E3, jusqu'à la recette du délicieux chocolat chaud préparé par Everett. Son roman contient toutes ces petites choses qui font la différence avec un roman où les personnages ne feraient que vivre des aventures, avec une trame sans âme et ennuyeuse. Les personnages sont vivants, différents, ils ont du caractère et on les retient, jusqu'aux commerçants, aux badauds sur lesquels Macdonald s'attarde. 

Il a une plume très talentueuse, manie avec talent (tout du moins, le traducteur Jean Esch a réussi à rendre ou donner un style superbe au roman) les mots : détails, actions, descriptions et originalité, il intrigue le lecteur, le fait vraiment voyager, lui fait vivre les courses-poursuite, les cris, les odeurs, les saveurs, les rencontres, les atmosphères, on vit dans le dirigeable de Sen et de l'équipage, on dort dans le hamac, on boit le savoureux chocolat fondu d'Everett, on manque d'être jeté par-dessus bord... L'une des chutes (celle concernant Tejendra Singh) seule est un peu trop utilisée et réutilisée, au cinéma, dans les romans : je ne vous la raconte pas pour ne pas dévoiler des éléments de l'intrigue, mais son seul atout est qu'elle ouvre à une suite... que j'attends avec impatience !

Everness, tome 1 : L'odyssée des mondes par Ian Macdonald, traduction de Jean Esch, Editions Gallimard Jeunesse, 329 pages. 


Ian Macdonald est né en 1960 à Manchester. C'est l'un des auteurs contemporains de science-fiction les plus talentueux et les plus récompensés. Il est notamment connu pour Brasyl (prix British Science Fiction, 2007). Ian Macdonald vit à Belfast avec sa femme. (Tiré du roman Everness)

"Bona nippes, indiquait l'enseigne au-dessus de la petit boutique miteuse. "Bona : bon, brillant, désirable, cool, indispensable, chouette, se dit Everett. Nippes : fringues chic." (...) Cette boutique n'avait rien de bona en apparence. Derrière Morning Lane, dans l'ombre des dirigeables, s'étendait un dédale de ruelles et d'arcades. De minuscules échoppes, pas plus larges que leur porte d'entrée, étaient blotties les unes contre les autres sous des auvents de toile dégoulinants de pluie qui se rejoignaient presque au centre de la ruelle." (page 159)


7 commentaires:

  1. Tu me donnes envie de découvrir ce roman :)

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  2. Et bien écoute, il est dans ma PAL, j'ai hâte d'en savoir plus !

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    1. Tu me diras quand tu l'auras lu, j'ai très envie de lire ta chronique !

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  3. Je vais bientôt lire ce roman, qui est dans ma PAL... J'ai hâte !

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  4. Oh, il me tente vraiment celui-là! Encore un petit nouveau dans ma PAL

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